Raid kayak de mer en Sardaigne (octobre 2019)
Un raid d’une semaine en totale autonomie sur les côtes sardes, organisé par Georges, accompagné de huit joyeux lurons. L’objectif initial était de longer la côte ouest de l’île, de Porto Alabe à Portoscuso, soit environ 190 km à parcourir, afin de poursuivre le grand tour de l’île initié il y a plusieurs années. Mais tout ne se passa pas comme prévu, et ce raid fut celui de l’expérience improvisée ! Et c’est ainsi que nous parcourûmes 170 km sur la côte est…
Vendredi 04 octobre : Lyon – Gênes, 465 km de route + Gênes/Porto Torres, 600 km de ferry
Neuf membres de la section loisirs kayak de mer prennent la route à neuf heures tapantes : Alexeï, Dorine, Eric N, Eric V, Frédérique, Georges, Hervé, Olivier, Murielle. Direction Gênes par le tunnel du Fréjus. Nous sommes en avance et avons le loisir d’arpenter les rues de la cité portuaire avant d’embarquer dans le ferry à la tombée de la nuit.
Samedi 05 octobre : Porto Torres – Porto Taverna, 140 km de route + Porto Taverna – Plage de l’Isoledda, 5,4 km de kayak
L’arrivée sur les côtes sardes au petit matin est fortement houleuse. Le frugal petit-déjeuner tient lieu de véritable concile. En effet, les prévisions météo ne jouent pas en notre faveur : des vents d’ouest de force 5 à 6, vagues et houle sont attendus pour les premiers jours, mettant nos plans en péril. Après discussion, il est décidé d’abandonner le projet initial pour plutôt se diriger vers l’est de l’île, autour d’Olbia, dont les côtes seront plus protégées des assauts du vent. Le parcours avait été réalisé 4 ans auparavant, la plupart des étapes connues. A ce moment-là, nous ne savons pas encore si nous naviguerons à la journée ou sur plusieurs jours d’affilée. Pour nous garantir une certaine flexibilité, nous récupérons la voiture de location prévue à Porto Torres afin de réaliser d’éventuelles navettes, puis roulons deux bonnes heures jusqu’à Porto Taverna.
De là, nous préparons les bateaux avec l’idée de revenir le lendemain soir au camion. Nous naviguons une petite heure avant de jeter notre dévolu sur un bivouac assez spacieux pour accueillir nos neuf tentes : la plage de l’Isoledda.
Dimanche 06 octobre : Plage de l’Isoledda – Tavolara – Punta Don Diego, 27 km de kayak
Après un premier bivouac bercé par une mer calme, nous nous mettons à l’eau pour découvrir les îles de Molara et de Tavolara, qui font partie d’une aire marine protégée.
Molara est une île très découpée, offrant des paysages de granit rose sculpté sollicitant notre imaginaire. Nous l’avons longée par l’est, surpris d’entendre le bêlement de nombreuses chèvres férales curieuses de nous trouver là. C’est une île très propice à la pratique du rase-cailloux !
Tavolara, voisine, culmine à 550 mètres d’altitude et nous présente des falaises abruptes au pied desquelles nous apercevons des plongeurs. L’extrémité nord-est de l’île est occupée par une base militaire abritant une antenne radio de l’OTAN, qu’il est interdit d’approcher. Nous nous arrêtons à la pointe ouest de l’île, dépassant les baigneurs et le restaurant pour notre premier pique-nique. Les eaux sont poissonneuses et les masques et tubas sont de sortie.
L’après-midi, nous traversons pour rejoindre la côte, avec un peu de vent d’est. Nous décidons de nous arrêter dans une anse un peu abritée du vent après 27 km à une vitesse moyenne de 5,2 km/h. Un crochet de 5 km supplémentaires est nécessaire pour les trois valeureux qui se portent volontaires pour aller récupérer la nourriture du dimanche soir que nous avions laissée au camion…
Lundi 07 octobre : 340 km de route pour la navette + 7 km de kayak pour rallier Porto Taverna puis Punta Molara
Après une nuit ventée, nous regagnons le camion en milieu de matinée après avoir longé plusieurs petites plages. Il est décidé que nous profiterons de ce jour de mauvais temps annoncé pour effectuer une navette de 340 km AR pour aller déposer le camion au port d’Arbatax. Alexeï, Olivier et Georges se mettent en route tandis que les six autres patientent jusqu’à leur retour, sous la pluie, dans l’eau, ou autour d’un thé bien chaud. Le vent forcit et moutonne la mer tout l’après-midi.
Au retour de la navette, lors d’’une petite balade, le temps et les esprits s’éclaircissent : il est temps de charger les bateaux pour une itinérance de 4 jours. C’est bien ce pour quoi nous étions venus, après tout ! Il est 18h, et 20 minutes suffisent pour que toute l’équipe s’apprête à embarquer dans les premiers rouleaux du séjour. Après avoir lutté contre le vent, nous rejoignons un lieu de bivouac “à étages” à la nuit tombante. Trois optimistes plantent leur tente directement sur la plage, deux d’entre eux devront se déplacer au coeur de la nuit pour éviter d’être inondés. La troisième tente sera épargnée de peu ..!
Mardi 08 octobre : Punta Molara – Baia Santa Anna, 29,7 km
Nous prenons la mer dans un couloir étroit puis engageons notre descente plein sud. Nous faisons un stop à la Marina de Puntaldia pour nous ravitailler en eau douce à faire bouillir pour le thé et la tisane, afin de préserver notre ressource en eau minérale pour les gourdes.
Nous nous arrêtons le midi sur la plage Isuledda, au sud de San Teodoro. Sa forte pente nous demande de refuser la vague afin d’accoster sans se renverser.
Les conditions météo sont sportives, notamment l’après-midi, avec une houle de 1m50 de ¾ arrière et beaucoup de vent. C’est heureux d’en finir que nous nous arrêtons vers 17h sur une plage de la Baie Santa Anna, bordée d’une lagune et d’une pinède. Les émotions de la journée ont bien valu un bain savonné, et le punch du soir est fortement apprécié ! Un bar pêché par Eric V au cours de la journée agrémente à merveille l’apéro…
Mercredi 09 octobre : Baia Santa Anna – Cala Ginepro 32,16 km
La première partie de matinée est d’un calme inattendu après la journée de la veille : nous démarrons notre navigation sur une mer d’huile. Cela permet d’échauffer les muscles en douceur ! L’accalmie est cependant de courte durée et un vent continu de face se lève…fatiguant chacun d’entre nous ! Frédérique et Dorine sont gentiment remorquées par Alexeï et Eric N. De cette matinée nous retiendrons la leçon : pour l’hypoglycémie ne pas friser, toujours dans ton gilet prévoir des barres énergétiques tu devras !
La navigation nous offre des vues splendides sur les montagnes sardes et ses villages, notamment celui s’accrochant sur le Castello della Fava.
Nous déjeunons sur une longue plage de sable blanc gardée par un grand arbre flotté blanchi par la mer au Capo Camino, face à l’Isola Rossa. Cet arbre constitue, à ses dépens, un parfait étendage pour notre matériel. Nous longeons ensuite la côte jusqu’à la Cala Ginepro pour le repos du soir. Nous débarquons alors sur un lit d’étranges formations végétales ressemblant à des kiwis : ce sont en fait des boules de fibres de posidonies qui, sous l’action du sable et de l’eau, se désagrègent et roulent comme des galets. Appelées aussi pelotes de mer ou “aegagropiles”, elles sont moelleuses sous les pieds et plus agréables à l’oeil que les herbes entières qui s’échouent sur les plages, que l’Homme rassemble en énormes masses ressemblant à des rochers !
Jeudi 10 octobre : Cala Ginepro – Cala Luna 32,6 km
Ce jour-là, nous changeons de décor et troquons de longues plages de sables fins et des vues dégagées sur les montagnes contre l’approche de falaises de calcaire et une végétation plus dense. En début de journée, nous longeons la gigantesque carrière de marbre d’Orosei. Le vent de terre se fait sentir toute la journée jusqu’à ce que nous soyons plus protégés par ces falaises. En fin de matinée, Eric N et Olivier se dévouent à nouveau pour remorquer un temps Frédérique et Dorine qui fatiguent.
Nous approchons en début d’après-midi du port de Cala Gonone et nous faisons le point sur l’eau qui nous reste : bien assez, c’est pourquoi nous ne nous arrêtons pas. Le soir, après avoir croisé de nombreuses navettes, nous accostons sur une plage que les touristes quittent en masse par ces navettes pour nous retrouver quasiment seuls. Plage bien nommée Cala Luna, où la pleine lune se montre et nous accompagne toute la nuit en frôlant les falaises.
Vendredi 11 octobre : Cala Luna – Santa Maria Navarrese / Arbatax : 35,75 km
Le vendredi clôture notre itinérance avec un décor somptueux de falaises et de grottes, sous une météo clémente et un léger vent arrière. Dès les premiers coups de pagaie, Georges, s’approchant avec curiosité de la côte, se retrouve mis à l’eau par une mauvaise vague. Un sauvetage en bonne et due forme est alors opéré par Eric N et Alexeï. Cela nous rappelle combien il est important de s’entraîner à ces manoeuvres de sécurité, et nous ferons le constat a posteriori que nous en avons eu la “paresse” lors de ce raid. Peur de mouiller nos affaires en cas de caissons défaillants, crainte de l’eau fraîche, du sel dans les yeux, manque de temps…il faudrait pourtant se lancer et réviser ! C’est un point à améliorer !
Suite à cet incident rafraîchissant, la matinée est longue car de nombreux et récents éboulis empêchent l’accès à d’éventuelles plages. La leçon des jours précédents aura été utile : nous dévorons des heures durant nos barres énergétiques et autres fruits secs placés à portée de main ! Nous sommes accompagnés par les cris des faucons des falaises qui chassent en virevoltant au-dessus de nos têtes. Chaque cap est dépassé avec suspense, et ce n’est qu’après 27 km que nous trouvons de quoi nous arrêter pour déjeuner.
Après une baignade en eaux troubles et un pique-nique sous un soleil cuisant, nous reprenons notre chemin pour la dernière étape, en profitant des dernières zones rocheuses pour jouer au rase-cailloux. Nous admirons les camaïeux de bleus et de verts scintillant au gré des rayons du soleil, sous nos bateaux. Après une journée quasiment “seuls au monde”, nous retrouvons la civilisation et l’agitation de la baie d’Arbatax, la silhouette acérée des grues du port commercial se découpant à l’horizon. Six d’entre nous font escale finale sur la plage accueillante de Santa Maria Navarrese afin d’installer notre ultime bivouac ; tandis que Murielle, Olivier et Eric N se portent volontaires pour rallier le port d’Arbatax, 5 km plus loin, afin d’y récupérer le camion y stationnant depuis lundi.
Le dernier repas est fait d’une dégustation des EXCELLENTS poissons pêchés par Eric V et d’un EXCELLENT confit de canard aux patates, pour le plaisir de tous !
Samedi 12 octobre : retour à Porto Torres pour embarquement, 225 km de voiture
Pour ne pas changer les bonnes habitudes, le dernier réveil se fait tôt, dès 5h, sous les assauts d’une musique pour le moins éclectique ambiançant le départ nocturne de trailers dans les collines environnantes.
Nous empaquetons nos affaires, chargeons les derniers bateaux et prenons la route retour. Nous faisons quelques courses pour nos derniers repas, faisons halte à Porto Taverna pour récupérer la voiture de location et c’est alors que nous rencontrons José, un villeurbannais d’origine sarde, avenant et peu pudique, qui nous explique comment cueillir et préparer des olives…toute une histoire !
Nous rallions Porto Torres, rendons la voiture de location et embarquons sur le ferry pour notre dernier repas du soir, arrosé d’Aràngiu (liqueur d’écorces d’oranges sardes) et de vin local. Nous faisons le bilan de ce raid aux multiples rebondissements, qui, globalement, est très positif !!!
Dimanche 13 octobre : retour à Lyon, avec escale culturelle dans le Val de Susa
Nous débarquons du ferry à 09h30 et pouvons rapidement nous extraire de Gênes.
Nous faisons un arrêt de quelques heures à l’ouest de Turin afin de visiter la Sacra di San Michele, une étonnante abbaye bénédictine du Xème siècle dominant le Val de Susa. La brume omniprésente ce jour-là nous prive du spectacle des Alpes italiennes formant un écrin pour cette abbaye.
Dernier pique-nique aux saveurs sardes avant de reprendre la route. Retour au club à 20h15.
Précisions d’ordre gastronomique : le choix des repas avait été porté sur une majorité de plats préparés, pour faciliter la préparation des piques-niques (salades à composer à partir de conserve) et des dîners (plats cuisinés à réchauffer). Georges avait pris soin de sonder les préférences de chacun concernant les petits-déjeuners et les éventuelles restrictions alimentaires. Chaque soir, nous avions droit à un petit apéro fort appréciable, arrosé d’un petit punch maison. Concernant la toilette, Georges fournissait également un savon spécial eau de mer testé et approuvé pour ne pas avoir la couenne en salaison et les cheveux en carton !
Epilogue en parler gaga (stéphanois), par Murielle
…Dedzeu ! et quand le vent nous appejait et que nos kayaks se mettaient à brandigoler on en menait pas large ! Ma grand-mère Ricamandoise nous aurait traités de «Franc fous » et m’aurait dit « Tu m’fais tirer peine. Beauseigne, tu te déprofites toute à batailler comme ça ! » Il est vrai que le soir venu, les muscles endoloris nous lançaient un peu. On s’est bien amusé aussi dans les cailloux même si certains ont égrointé leur bateau, et d’autres ont failli s’émaseler en se renversant au milieu des roches….Ahhh et les soirs au dîner, à cacasson ou assis, tous, autour de la bâche, personne ne pichorgnait !!!! Pas besoin non plus de se rédimer il y avait de la nourriture en abondance et toujours du rab pour celui qui en voulait mieux, et bien sûr de quoi bitancher !! Viv’ment la suite en 2020 !
Remerciements à Georges pour son organisation sans faille.
Remerciements à nos conducteurs et navetteurs : Georges, Alexeï, Eric N, Olivier, Frédérique, Murielle et Hervé qui nous ont conduits avec patience et prudence sur les routes italiennes.
Remerciements à notre pêcheur Eric V qui nous a régalés presque chaque soir d’un poisson nouveau !
Remerciements à tous pour la bonne humeur, l’entraide, l’humour et la bonne volonté.
Photos : Alexeï, Dorine, Frédérique, Murielle
Cartes : Alexeï via Strava ©, cartes disponibles au lien suivant : Cartes_Strava_Sardaigne19
Compte-rendu : Dorine