Lac du barrage de Vouglans en kayak de mer (du samedi 18 au lundi 21 juillet 2020)
Après l’annulation du raid kayak en Bretagne Sud organisé par Hervé, prévu du 18 au 25 juillet, quelques irréductibles se sont creusés la tête pour trouver un « plan B » afin d’occuper ces jours estivaux.Eric Nardone proposa le Lac Léman, puis le lac de Neuchâtel, pour finalement que l’on se rabatte sur le lac du barrage de Vouglans, dans le Jura. La fenêtre météo se réduisant en raison des prévisions orageuses, c’était l’option idéale aux portes de Lyon pour trois jours de navigation, du samedi 18 au lundi 21 juillet. Malheureusement, plusieurs défections ont considérablement réduit l’équipage initial, jusqu’à ne former plus qu’un duo.
Au programme : une navigation contemplative au rythme très relax sur ce lac de 35 km de long. Le barrage voûte retient le volume colossal de 605 millions de mètres cubes d’eau. Ce barrage est la troisième retenue artificielle de France après le barrage de Serre-Ponçon et le barrage de Sainte-Croix.
Jour 1 : environ 22 km, tiers sud du lac
Deux K-mer sont chargés sur la petite Clio d’Eric, pour un départ de Lyon à 07h30 en compagnie de Dorine. Embarquement à Maisod auprès du parking de la plage de la Mercantine après chargement des bateaux : matériel de bivouac, eau et nourriture en quantité. Le niveau d’eau du barrage est quasi maximal, le ciel est bleu, l’eau turquoise. La navigation débute à 10h45 et s’étire sous un franc soleil. Un peu de vent du nord nous pousse jusqu’au barrage en lui-même alors que nous longeons la rive gauche du lac. En chemin, nous apercevons rive droite les pierres de la chartreuse de Vaucluse reconstruite partiellement avant la mise en eau du barrage. Nous ne débarquerons pas. Nous constatons que les buissières ont été ravagées par la pyrale du buis et les flancs des collines, grisés, ont parfois des aspects fantomatiques.
Nous traversons pour pique-niquer à l’ombre sur une berge peu accueillante, très rocailleuse et escarpée. Quelques kilomètres plus loin, le soleil de plomb et la fatigue assaillent Dorine qui réclame une petite pause pour effectuer une sieste d’urgence à l’ombre d’un saule. Une fois requinquée, nous remontons vers la cascade de la Pèle qui, comme nous le craignions, est à sec. Nous croisons de nombreux camps de scouts établis sur la rive droite avec, semble-t-il, comme mission principale la construction de radeaux. On leur préfère nos kayaks !
Le soleil déclinant, nous choisissons d’établir notre bivouac dans une anse rive droite, auprès du lieudit « En Chazier », presqu’en face de la plage de la Mercantine. Une bande de terre nous met à l’abri de sa rumeur et des allées-venues de son port plaisancier. Trois saules, une hutte en branchages et une roselière nous serviront de décor pour planter les tentes. La baignade est autant décrassante que délassante ! Des locaux viennent en bateau s’installer non loin de là pour un barbecue entre amis, mais la nuit est tranquille.
Jour 2 : environ 20 km, rive droite du lac, Bellecin, Pont de la Pyle, jusqu’à Pont de Poitte
Comme malgré tout, cela reste les vacances : petit rythme en ce deuxième jour, avec encore une fois un embarquement à 10h45 sous un soleil déjà chaud (en vérité, Eric est au radar ;).
La navigation est relativement paisible jusqu’à la plage de Bellecin, où nous croisons deux avironeurs. Des lignes de bouées qui servent à leur entraînement forme une piste de jeu de 2 km pour nous qui nous amusons à slalomer au travers : un bon exercice pour tenir la gîte !
Arrivés à la base nautique de Bellecin, le calvaire sonore commence : des nuées de jets-skis et de bateaux à moteurs tractant des skieurs nautiques tournent sur la zone centrale du lac, jusqu’à la base de loisirs du Surchauffant, juste après le Pont de la Pyle. Dans cette zone, la vitesse permise est de 60 km/h, tandis que sur le reste du lac est à 10 km/h. Pour nous qui progressons au petit rythme de 4 km/h, ces engins nous paraissent infernaux et nous poussent à naviguer très près du bord, ce qui nous permet de profiter des vagues qu’ils génèrent et de nous abriter dans la maigre ombre portée par la végétation.
C’est avec soulagement que nous contournons le Bois de Sous Pierre. A partir de là, le paysage commence à changer : le relief s’aplanit et la végétation change. L’étroite plage enherbée que nous choisissons pour le pique-nique, à l’ombre, est très fréquentée par les locaux qui arrivent par le sentier de randonnée tout proche (GR de Pays). Une fois repartis, Eric propose un exercice : échanger de bateau une fois sur l’eau. Bien que la température de l’eau le permette largement, il n’y a pas de baignade inopinée ! Un virage plus loin et nous trouvons face à nous des prés à vaches qui s’étendent au-dessus du village de Largillay-Marsonnay.
Nous remontons le lac jusqu’à Pont de Poitte, au Port de la Saisse, où des marmites de géant nous barrent le passage, nous empêchant de progresser jusqu’au village en lui-même, bien qu’Eric tente de remonter le courant. L’eau et les galets ont érodé la roche, créant ces marmites aujourd’hui englouties quand le barrage est plein. Par le passé, le Saut de la Saisse formait sur l’Ain une cataracte verticale d’une quinzaine de mètres de haut, infranchissable. Cela ne s’admire dorénavant qu’en période de basses eaux.
Nous trouvons un lieu de bivouac en face du hameau de Piételle, en rive droite « Sous les côtes », sur une minuscule presqu’île idéalement située : plateforme enherbée pouvant accueillir nos deux tentes, micro-plage pour la baignade, saule-étendage, roselière-latrines et double vue sur le soleil couchant et levant. Des milans noirs arpentent les airs et se perchent dans les arbres alentour. Ils nous accompagnent depuis hier. Leur cri caractéristique est facilement reconnaissable et renforce le caractère sauvage des lieux. Notre nuit sera de plus agrémentée d’un concerto de bruyantes grenouilles.
Le lac est divisé en trois zones :
- Zone A : le nord de Pont de Poitte au Port du Meix (Surchauffant), réservé à la pêche et dont la vitesse de navigation est réglementée à 10 km/h.
- Zone B : le cœur du lac de Port du Meix à la base nautique de Bellecin, réservé au « motonautisme », où la vitesse est limitée à 60 km/h
- Zone C : le sud de Bellecin au barrage, réservé à la pratique de la voile, lesquelles n’ont pas de vitesse limitée, contrairement aux embarcations motorisées qui doivent respecter une vitesse de 10 km/h.
(Nous croisons chaque jour de nombreux pêcheurs sur leurs embarcations, en toutes zones du lac, qu’il faut contourner avec soin pour ne pas déranger leurs lignes. La plupart sont fort sympathiques, seul un grincheux nous a exprimé son insatisfaction de nous voir croiser de trop près des lignes…invisibles !)
Jour 3 : environ 18 km, rive gauche du lac, retour à Maisod
Il est neuf heures : nous embarquons alors que la brume matinale ne s’est pas encore dissipée. Le silence est total, et seuls nos coups de pagaie viennent briser ce calme et le miroir de l’eau de quelques ondes discrètes. Nous longeons la rive gauche, surprenons quelques canards et ne parvenons pas à débusquer un mystérieux animal furetant dans une roselière. De petites cabanes et maisonnettes se dévoilent à travers la végétation, trahies par des pontons de fortune. La plus surprenante est la cabane flottante amarrée au fond de la rivière de la Cimante, dont une des façades est joliment ornée.
Comme c’est lundi matin, le centre du lac semble avoir retrouvé une relative sérénité, les bateaux sont moins nombreux. Nous pique-niquons en rive gauche sur une plage de sable, en amont du Surchauffant. Un malheureux jet-ski écourte la traditionnelle sieste de Dorine : il est temps de repartir. Le mercure grimpe et nous nous trouvons écrasés par la chaleur sur un lac sans ombre. Une flèche bleue nous gratifie de sa présence : le martin-pêcheur se montre enfin. Une fois arrivés à la Mercantine, nous nous débarquons à travers les odeurs de crème solaire et de barbecue. Nous déchargeons les bateaux mais profitons du temps clément pour retourner à l’eau faire quelques exercices de sécurité : appuis, esquimautage, dessalage, vidage du bateau, récupération du bateau seul·e ou aidé·e.
La météo s’annonçant orageuse pour le milieu de semaine, nous rentrons au club au crépuscule après une parenthèse jurassienne fort appréciable. La suite au prochain épisode : direction l’Allier avec Alexeï pour finir la semaine !