L’Allier de Prades à Issoire en kayak de mer (du 23 au 26 juillet 2020)
Pour continuer sur la lancée « paddle & relax » initiée sur le barrage de Vouglans, Eric et Dorine se sont rendus sur l’Allier, en aval de Prades, en compagnie d’Alexeï. Les deux premiers protagonistes n’osant s’embarquer sur la partie amont de Prades, classée III, nous avons opté pour un circuit ne nécessitant qu’une seule navette, de Prades à Issoire, pour un total de 100 km en deux jours et demi sur l’Allier, classe II.
Logistique :
Pagayer :
– bateaux club : K1 Laser + K2 Prijon vert (merci à Victor Doux d’avoir accepté de le céder !)
– 2 pagaies rivière club, 1 pagaie pliante club de secours et 1 pagaie personnelle
– 2 casques rivière club et 1 casque personnel
– Gilets et jupes personnels
Rouler :
Deux véhicules personnels pour effectuer la navette :
– Voiture 1 avec barres de toit pour fixer K1 + K2 laissée au départ, parking de Prades, au pied du camping Les Escargots bleus
– Voiture 2, non équipée, laissée à l’arrivée au niveau Vieux Pont Suspendu (Sortie 13 de l’A75 pour Issoire – Couze, aire de repos de la D996 juste après le pont sur l’Allier)
Pour ne pas payer de péage, ni subir trop de virages, nous avons choisi le trajet le plus long en distance : N88 (Le Puy-en-Velay), N102 (Brioude), A75 (Issoire).
Manger : comme pour Vouglans, chaque personne avait prévu ses propres petits-déjs et en-cas, et avait cuisiné deux repas à partager pour l’équipage.
Dormir :
– Première nuitée en camping (23,40€ pour trois personnes)
– Deuxième nuitée en bivouac en rive gauche de l’Allier au niveau du Pouget, en aval de Lavoûte Chilhac, berge en surplomb, prairie humide, ripisylve, soleil matinal et ragondins
– Troisième nuitée en bivouac en rive droite de l’Allier sur berge, en aval de Brassac-les-Mines, herbes sèches, ripisylve, le long d’un chemin de pêcheurs, fief de voraces moustiques, bassin d’apprentissage à esquimautage dans contre-courant.
Nous quittons le club jeudi 23 juillet à 14h. Nous nous installons au camping des Escargots bleus aux alentours de 20h, une fois les navettes effectuées. Le bivouac n’est pas autorisé sur la plage de Prades, et le camping est tout à fait à côté. Bon accueil. Pour célébrer les trois jours à venir, Alexeï nous offre une rasade de sa potion magique familiale : de la vodka à la canneberge !
Allier jour 1 : Prades – Le Pouget (1 km en aval de Lavoûte-Chilhac) : 35,94 km en 8h 12min, soit une vitesse moyenne de 6,6 km/h
Le campement plié, il est temps de charger les bateaux. L’eau de l’Allier est étonnamment sombre, chargée de matières organiques, probablement en raison des récents orages. Alexeï et Dorine s’installent dans le K2 : ce sera pour Dorine un baptême en rivière pour elle qui, jusqu’à présent, ne connaît que le Tarn en sit-on-top de location. Eric prend le K1. Les équipes pourront tourner, pour mieux pratiquer, apprendre ou…se reposer ! 10h30 : Alexeï fait un briefing sur la lecture des courants, les angles d’incidence, et les quelques manœuvres à venir. Premiers essais à l’embarquement : stop dans le contre-courant, bac et reprise de courant. Pour manœuvrer plus finement, Alexeï enseigne à Dorine les techniques d’appels, mais sans succès probant pour le moment. Tant pis, il est l’heure de naviguer pour de bon !
Premiers coups de pagaie et premier drossage quelque centaine de mètres en aval, Dorine est vite mise dans le bain. La journée, comme les suivantes, est ponctuée du sempiternel choix : gauche ou droite ? L’Allier se divise parfois en plusieurs bras, forme des îles, et il faut se décider judicieusement. En effet, les niveaux d’eau ne sont pas très hauts, et il faut choisir le bon chenal pour ne pas faire racler le fond du bateau ! (Ce qui est arrivé malgré tout…)
Les paysages de cette première portion sont très marquants. L’Allier se fraye un passage à travers le basalte et chaque virage réserve ses surprises : village perché, falaise, mais aussi des hérons et des martins-pêcheurs tout au long de la journée ! Nous pique-niquons dans un pré à vaches, qui, placides, viennent boire dans l’Allier.
Dans l’après-midi, débarquement et portage avec sangle au niveau d’un seuil à deux niveaux , juste en aval du Château du Chambon où un bief alimente un moulin: nos kayaks de mer sont trop longs et risqueraient de plier. Un papi et une mamie sont installés sur des chaises et regardent le spectacle offert par ceux qui s’y aventurent en canoë-kayak de location ! Malheureusement, pris dans l’action, nous n’avons pas pris en photo l’obstacle.
Au cours de la journée, nous effectuons trois « sauvetages », idéal pour s’exercer à manœuvrer avec efficacité ! Le matin, premier sauvetage pour dépêtrer une monitrice UCPA du milieu de la rivière, où son canoë, percé, s’est complètement rempli d’eau et s’est retrouvé impossible à vider seule. Alexeï l’aide, tandis que Dorine s’exerce au stop + bac pour récupérer et lui rendre sa pagaie. Sur ses entrefaits Eric secourt une dame qui avait chaviré de son canoë-kayak de location : remorquage et aide à la récupération. En fin de journée, en arrivant sur Lavoûte-Chilhac, nous croisons un canoë-kayak échoué dans un contre-courant. Une femme nous indique que son ami a chaviré et se trouve plus en amont, sur la rive droite. Ni une ni deux, Eric remorque le bateau avec son K1, tandis qu’Alexeï et Dorine font un bac pour aller chercher l’homme en question, frigorifié et affaibli. Alexeï le fait s’installer assis sur l’arrière du bateau, en lui demandant de le ceinturer à la taille, Dorine empoigne la pagaie supplémentaire et ils refont un bac pour le ramener en rive gauche où l’attend sa compagne.
Après tous ces efforts, nous nous mettons en quête d’un bivouac confortable et jetons notre dévolu sur une berge en surplomb où il est difficile d’accoster mais qui fait l’affaire. Nous dérangeons malheureusement un ragondin qui bondit hors de son terrier pour aller nous observer toute la soirée, depuis la berge d’en face (on avoue qu’au départ on a voulu croire que c’était un castor). La soirée s’étirera au son d’un concert de musiques traditionnelles, donné à Lavoûte-Chilhac, dont nous parviennent quelques notes.
Allier jour 2 : du Pouget à Brassac-les-Mines, 45,86 km en 9h 26min, soit une vitesse moyenne de 6,8 km/h
Nous attendons le lever du soleil pour faire sécher nos tentes… vainement, car l’herbe est bien trop chargée d’humidité. Le petit-déjeuner se fait au rythme de la nature qui est déjà bien réveillée. Nous embarquons dans un enchevêtrement de branches.
La journée se déroule sous un grand soleil. Nous passons sous de nombreux ponts de pierre et de béton et devons débarquer à deux reprises en raison de seuils infranchissables en raison du niveau d’eau :
– Débarquement au seuil en amont de Vieille Brioude : passage en rive droite après avoir fait glisser les bateaux grâce au bout.
– Débarquement au niveau du barrage de Brioude (camping de la Bageasse en rive gauche) : passage en rive droite après avoir fait glisser les bateaux grâce au bout, arrivée galère au pied de la chute d’eau, grosse écume malodorante et fort courant.
Si les plus anciens villages sont bien perchés, nous sommes surpris par la proximité de certaines habitations à la rivière, fort probablement en zone (très) inondable. Nous croisons des cabanes en équilibre sur la berge démontée…et nous interrogeons sur le devenir de tous les campings situés sur les berges de l’Allier.
Nous pique-niquons sur une gravière, la baignade permet de mieux supporter l’ensoleillement intense. Nous rencontrons une espèce rare en ces lieux : deux autres kayakistes de mer ! Quelques instants plus tard, à l’eau, Éric somnole dans son bateau et traîne un peu, à croire que le déjeuner a été trop copieux ! Soudain, au détour d’un virage, nous apercevons au loin un animal surgir hors de l’eau et se cacher dans la forêt alluviale. Sa silhouette pourrait faire penser à une loutre…! La curiosité nous pousse à accoster discrètement sur la gravière. De nombreuses empreintes sont marquées dans la terre argileuse…et nous rendent confus. Les traces vues alors correspondraient peut-être à du raton-laveur, une espèce exotique envahissante présente depuis plusieurs années sur l’Allier.
Nous profitons de cet arrêt pour échanger de bateaux : Éric rejoint l’avant du K2, pour se reposer un peu, tandis que Dorine monte dans le K1 pour prendre un peu d’assurance sur une rivière plus calme que la veille, et tout se passe sans encombres.
Le soir, nous trouvons une place de bivouac bien sèche, mais étonnamment infestée de moustiques : ce sera un vétirable calvaire heureusement suspendu durant les heures de sommeil, protégés par la sacro-sainte moustiquaire. Le seul moyen d’échapper à l’agresseur est de se remettre à l’eau : Alexeï encadre Dorine pour une séance d’initiation à l’esquimautage. Rafraîchissant, mais y a encore du boulot !
Le campement est traversé par un chemin d’accès emprunté par plusieurs 4×4 de pêcheurs qui finalement ne restent pas… car il y a trop de moustiques !
Allier jour 3 : de Brassac-les-Mines à Issoire, 18,12 km en 2h 50min, soit une vitesse moyenne de 7,3 km/h
Le lendemain, nous plions le camp aussi vite que possible sous les assauts des moustiques… enfin, toujours moins vite qu’Alexeï qui nous attend patiemment. Cette fois-ci, c’est lui qui sera libre de ses mouvements en K1, tandis que Dorine et Éric prennent le K2.
Le relief s’est considérablement aplani depuis vendredi (« Quand c’est plat, c’est moins joli »). De bruyants systèmes de pompes ponctuent tout le cours de l’Allier aval. En effet, nos dernières heures de navigation se font le long de champs de maïs, gourmands en eaux, dont la berge s’érode sévèrement.
Les peupliers sont accompagnés d’aulnes et de quelques saules. Ils repoussent inlassablement, même couchés, même arrachés. Ils semblent plus fort que les enrochements qui sont déstabilisés malgré leur savant empilement. Ici, on remarque que la terre est rouge et argileuse. Nous nous amusons à en enduire nos bras et notre visage, ce qui ressemble au départ à des peintures de guerre : la guerre perdue contre les moustiques !! La fraîcheur de l’onguent apaise un temps nos piqûres avant de sécher et craqueler.
Nous traçons les derniers kilomètres et raclons le fond des bateaux de plus en plus souvent, nous obligeant à sortir pour les alléger et les pousser. Eric et Dorine cravatent à quelques mètres de l’arrivée sous le Vieux Pont Suspendu d’Issoire. Le déchargement des bateaux est un peu sportif car en hauteur, dans les ronces et orties. Nous débarquons aux alentours de midi.
Nous déjeunons tous ensemble sous la pile de pont, pour ensuite effectuer la navette. Cela fait du bien, après deux jours et demi d’horizon réduit, de prendre un peu de hauteur, entre monts du Livradois et plateau du Cézallier ! Puis on a le temps de profiter de la vue, en raison d’un camping-car bloqué dans la rue principale du village de St-Julien-des-Chazes, nous obligeant à faire un détour d’une petite heure pour aller récupérer Alexeï et le matériel !
Retour au club à 20h15.
Bilan : La rivière est assez fréquentée sur ces portions, mais agréable à naviguer. Nous avons vu énormément d’arbres couchés par la crue du 13 juin 2020 (ou les précédentes !)…et cela créé des passages d’autant plus délicats quand on est drossés contre les branches et les troncs. Le casque a été fort appréciable quand il fallait passer au travers ! C’est vraiment impressionnant de voir jusqu’à quelle hauteur ont été charriés limons, végétaux et déchets en tout genre lors des crues.
Cette rivière est sauvage, tant par sa dynamique fluviale intense, sa sinuosité, et la faune qu’elle abrite. Les saumons atlantiques viennent frayer dans ses eaux fraîches, remontant comme ils le peuvent les nombreux ouvrages correspondant à des prises d’eau. Le castor et la loutre y résident, mais nous n’aurons pas eu la chance de les croiser, enfin, qui sait…? Des hérons nonchalants et de vifs martins-pêcheurs nous auront accompagnés chaque jour, véritable flèches bleues transperçant le décor vert. Le sautillant Cincle plongeur nous aura également honorés de sa présence le premier jour ; cet oiseau est remarquable notamment par sa capacité marcher sous l’eau pour se nourrir de larves aquatiques.
En somme, une bien belle escapade au décor volcanique, sur le principal affluent de la Loire ! Une initiation à la lecture de la rivière réussie pour Dorine, qui la motive à aller s’entraîner de temps en temps du côté de St-Pierre de Bœuf ou Sault-Brenaz…et deux équipiers satisfaits de leur sortie !
Texte : Dorine – Photos : Alexeï et Dorine – Cartes : Alexeï sur Strava